Ecologie intérieure, le temps de s’aimer

par Sophie Nougué

Depuis que j’ai décidé de mettre la joie au service de chacune de mes décisions et le bonheur que me procurerait leur accomplissement, je suis totalement disponible pour accueillir ce que la vie met entre mes mains. Cet état d’esprit, cet état d’être, cet état d’âme auquel je voue maintenant un culte me soulage instantanément d’une tension existentielle majeure: que sera l’avenir ? Chaque journée qui passe procure mille et une ressources toutes plus réjouissantes les unes que les autres pour y répondre.

Vivre le quotidien sans céder à la peur, sans même se préoccuper du monde qui marche à reculons, s’offrir le cadeau de s’extraire du tumulte est bien plus qu’une philosophie, c’est une évidence, un besoin originel. Depuis que je m’amuse à accueillir avec curiosité toutes les pépites que la vie m’envoie, l’existence est devenue une recréation.

A la lecture de ces quelques lignes, peut être que certains d’entre vous me prennent pour une inconsciente. Je l’accepte. Pour ceux qui ont la curiosité de poursuivre la lecture et découvrir ce que j’appellerai « une écologie intérieure », j’espère que ce qui suit, vous réjouira. Oui, nous sommes tous capables de transformation.

Récemment je participais à une formation en communication non violente plus spécialement axée sur les croyances limitantes. Observer, déconstruire et comprendre la mise en œuvre de l’architecture de ce type de pensées a été une véritable révélation. Je vais étoffer mon propos en partant d’un exemple concret, personnel, une blessure qui a engendré une croyance et un réseau de croyances. Une simple étude de cas pour comprendre l’algorithme de nos cerveaux.

Au cours d’un atelier pratique, la formatrice me demande si je veux bien lui donner un exemple, le plus spontanément possible, sans réfléchir, d’une parole qui m’a été dite plusieurs fois, des mots qui m’ont touchée lorsque j’étais enfant. A ma grande surprise, le visage de ma grand mère maternelle apparaît. Sa voix accusatrice, l’intensité de son regard, son front plissé étreignent ma poitrine. Je dois avoir huit ou neuf ans, elle me réprimande devant une tante : “tu es un garçon manqué” ! La limpidité du souvenir plus de quarante années plus tard me sidère. « Garçon manqué » oui, j’ai entendu ces mots de nombreuses fois pendant mon enfance.

La formatrice me demande alors de bien vouloir essayer de me remettre dans l’instant de cette parole. Bien avant qu’elle ne fasse cette demande, mon corps est déjà dans un flux émotionnel d’une rare intensité. Je suis redevenue le garçon manqué les larmes aux yeux et la gorge nouée.

Avec beaucoup de douceur, elle m’invite à explorer l’iceberg de cette blessure d’enfance. Les autres stagiaires sont silencieusement assis en rond autour de moi. Cette reconnaissance par le groupe que la parole est puissante permet à l’exercice de se dérouler en totale confiance. Sur le sol, la formatrice a dessiné une marelle des croyances limitantes. Des bulles où sont écrites les différentes étapes du processus. Elle me guide, un dialogue s’engage entre ma blessure et la croyance qu’elle a généré : « je ne suis pas quelqu’un de bien puisqu’il me manque quelque chose» aussitôt relayée par une autre croyance «  puisque je suis manquée, je vais devoir mériter ma place ».

La parole de ma grand mère qui n’a jamais été clarifiée, a donné naissance à une architecture complexe de pensées binaires s’articulant autour du « trop » ou « pas assez » du « il faut, je dois ». Le trouble cristallisé dans mon corps, révèle quarante années plus tard tout ce que ma croyance m’a permis de réaliser, de protéger, tout ce qu’elle m’a apporté et empêché. Cette possible injonction à être un garçon à part entière, m’a à la fois blessée et donné des ailes. En ce sens la croyance est soutenante, elle agit comme un repère, une orientation et limitante à chaque fois que je lui donne raison.

Le jeu de rôle qui s’installe lors de cet exercice entre celle que je suis et sa croyance, les étapes qui amènent à sa transformation, ce passage du ressenti oppressant à la reconnaissance explosive de joie est profondément libérateur. En une heure d’atelier, la blessure est transformée, je suis une femme capable de remercier sa grand-mère décédée depuis longtemps, pour tout ce que « le garçon manqué » a puisé dans le dépassement du manque pour porter ses rêves, projets, honorer sa loyauté envers lui-même, trouver son unité. Les besoins d’appartenance, de respect, d’intégrité, de cohérence véhiculent une douce chaleur dans ma poitrine.

La réconciliation s’opère autour de ces mots maladroits qui souhaitaient protéger la petite fille, lui éviter de se mettre en danger, la tenir à distance des jeux que les stéréotypes éducationnels de ma grand-mère posaient en terme de sexe. J’accepte aussi les épisodes de vie au cours desquels j’ai validé cette croyance jusqu’à l’auto sabotage. C’est en cela qu’une croyance devient limitante, dans la légitimité que notre sytème de valeurs lui accorde.

Et vous, quelle est la croyance que vous êtes prêt(e)s à transformer ?

Photo/ Champ de tournesols, Lavardens, Gers, France