Revenir aux sources / Part/3

Une Nouvelle de Sophie Nougué. Part 3

Yellow s’est arrêté pour m’attendre, je distingue sa silhouette dans le jour qui se lève. Les vingt quatre heures de marche que nous venons de faire ne semblent produire aucune fatigue sur son corps. Il est frais et guilleret, heureux. Il parle en cueillant des feuilles. Il porte une belle énergie joyeuse qui se diffuse partout autour de lui. Je mesure la chance que j’ai d’être à ses côtés, d’être initiée à tous ces rituels. Je le regarde et je sens sa joie me nourrir. Je suis heureuse, tellement heureuse d’être là, ma vie est pleine. Chaque jour l’univers me gâte comme jamais je ne l’ai imaginé. Pour la première fois de ma vie, je me sens en harmonie, en rythme avec la vibrance qui me porte dans chacun de mes choix et de mes actes. Je suis en lien, en paix.

– Nous allons nous reposer un peu ici et maintenant. Il reste encore une colline à gravir avant d’arriver à la source. Tu vas reprendre des forces et dormir.

A peine ces mots prononcés, je me sens épuisée. Je m’écroule sur le tapis d’herbes fraîches et de feuilles que Yellow a préparé à mon intention. Cela fait à peine quelques jours que j’ai rencontré ce grand petit homme et nous sommes là tous les deux réunis dans cette forêt immense porteuse d’une vie intense. Chacune de ses paroles touche mon cœur, sans lui, je ne pourrai survivre seule ici une seule journée. Il m’offre le savoir des origines.

La première fois qu’il m’a vu donner un soin Janzu à l’un des siens, il est resté assis sur la plage à nous regarder sans rien dire. J’ai senti sa présence dans l’eau, j’ai immédiatement compris que ce petit personnage assis en tailleur avec ses dread locks lâchées sur les épaules n’était pas là par hasard. Il est revenu le lendemain. Il s’est assis au même endroit, il a attendu que j’ai fini pour me parler.

– Tu es appelée à transmettre, tu es ma sœur d’âme, je vais t’emmener à la source faire le bain.

Ces pensées reviennent et se mêlent au parfum des herbes, je sombre dans un sommeil profond.

Yellow a préparé un emplâtre qu’il a étalé sur mes jambes et mes pieds pendant mon sommeil. Il a broyé des feuilles avec une pierre puis il les a malaxées avec la terre glaise récoltée au fond de la rivière. Je me réveille avec l’impression d’avoir dormi une journée entière.

– Hier tu as mangé des fruits, aujourd’hui tu n’as besoin de rien. Tu vas boire le jus de forêt pour nettoyer ton corps et la nuit prochaine ton corps et ton esprit seront prêts pour recevoir le bain.La pause est terminée, je bois. Je me sens en pleine forme. Yellow n’a pas dormi. Je lui demande comment il fait pour tenir. Il rit.

– Le chasseur de chemins ne connaît pas la fatigue. Je suis en paix avec les esprits, ils me transmettent l’énergie. Toi aussi, tu as la force de trouver la voie. Tu es amour, ton itinéraire est amour. Tu vas aller très loin.

Je marche les jambes recouvertes de terre séchée. Je me sens légère. Revigorée. Les chants d’oiseaux résonnent de toutes parts. Ils se parlent les uns aux autres, les arbres vibrent, le vent enveloppe et porte la symphonie. Il n’y a pas assez de mots dans ma langue pour traduire la diversité, la richesse de toute cette vie qui nous entoure.

Le soleil est au-dessus de nos têtes. Nous marchons en restant le plus souvent sous les arbres, dans la fraîcheur de la forêt. Dès que nous sortons sur un chemin exposé aux rayons, la chaleur réveille la fatigue. Immédiatement, je peine à avancer, je souffle, je transpire. Yellow retrouve un chemin sous les arbres, les quelques degrés de différences donnent une sensation de fraîcheur qui réveille l’esprit. Je n’ai pas faim, mon corps se lave de l’intérieur, je transpire beaucoup et me baigne dès que la rivière offre une vasque assez grande pour plonger dedans intégralement. Je reste en apnée, le corps posé, caressé, porté par l’eau fraîche. C’est comme cela que je me répare et retrouve des forces. Cela amuse Yellow de me regarder faire. Il veut que je lui apprenne à respirer dans l’eau sans bouger.

– Je ne respire plus dans l’eau Yellow, je ne pense plus, je ne fais rien. L’eau vient nourrir mes cellules, améliorer ma vie, me pacifier avec mes émotions. L’eau porte la mémoire de tout, elle me traverse, m’offre sa beauté, son énergie, je sens qu’elle prend soin de moi et m’offre le meilleur. Ce que je dis, j’en suis convaincue, je le sens c’est tout.

– Oui, tu as raison, l’eau, c’est la matrice. Elle est partout. Si tu es en lien avec elle, tu es en lien avec tout.

Suite prochainement….